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1 mars 2010 1 01 /03 /mars /2010 08:48

Alors qu'ils rencontrent des difficultés pour boucler leurs budgets, les conseils généraux sont nombreux à observer que l'Etat leur doit beaucoup d'argent, après leur avoir confié de nouvelles compétences.

Voir, par exemple, le site internet « Gironde en danger » où défile une estimation de « ce que l'Etat doit aux Girondins ».

Une des compétences transférées, en 2004, a été le versement de l'allocation du Revenu Minimum d'Insertion (RMI). En juillet 2009, le Revenu Minimum d'Insertion a cédé la place au Revenu de Solidarité Active (RSA). Mais la question demeure : qui finance vraiment les dépenses d'insertion ?

Cet article fait le point sur les modalités de compensation du RMI, pour faire la part des choses dans ce débat.

Le coût du transfert du RMI a été compensé conformément à la Constitution

Depuis la création du RMI, il incombe aux départements le développement d'actions d'insertion pour les bénéficiaires. En 2004, l'Etat a tranféré aux départements une nouvelle compétence en matière d'insertion : la gestion et le versement de l'allocation.

Conformément à l'article 72-2 de la Constitution, quand l'Etat transfère une compétence existante aux collectivités locales, il doit compenser intégralement les dépenses qu'elle engendre. Le montant de la compensation est fixé par la loi, à partir des dépenses que l'Etat consacrait lui-même auparavant à cette mission. Il a été estimé que les dépenses consacrées à la gestion et au versement de l'allocation du RMI s'élevaient, au 31 décembre 2003, à 4,9 milliards d'euros (Md€). On peut toujours discuter les modalités du calcul, mais là n'est plus le sujet. Le montant a été validé par le législateur.

En guise de compensation, l'Etat a attribué aux départements une nouvelle recette fiscale : une fraction de la Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers (TIPP) d'un montant équivalent.

La constitution a ainsi été appliquée et respectée.

Le transfert du RMI s'est avéré plus coûteux que prévu pour les départements

Cependant, il est apparu un décalage entre le montant de la compensation et les dépenses réellement supportées par les départements, dès la première année. Le gouvernement, alors dirigé par J.P. Raffarin, a fini par reconnaître que les dépenses d'insertion « ont connu un dynamisme marqué en 2004, de 10 % environ par rapport à la dépense 2003. »1

En effet, le nombre de bénéficiaires du RMI a augmenté alors que la situation économique et le marché du travail se sont dégradés. De plus, une réforme de l'assurance chômage a réduit les durées d'indemnisation2, faisant basculer plus précocement les demandeurs d'emploi vers le RMI. Enfin, l'allocation de base est revalorisée chaque année.

De mars 2003 à mars 2007, le nombre des allocataires du RMI a ainsi progressé de 1,10 million à plus de 1,25 million. Par la suite, ce nombre est retombé à environ 1,12 million fin 2008. Avec la récession économique qui a succédé à la crise financière, le nombre des allocataires et les dépenses de RMI repartent à la hausse en 2009. Le graphique qui suit met en parallèle l'évolution du nombre d'allocataires et celle du taux de chômage.

evolution alloc RMI 2002 2009
Après la réforme intervenue en 2004, l’aide sociale aux allocataires du RMI (incluant les contrats d’insertion-revenu minimum d’activité (CI-RMA) et les contrats d’avenir) est devenue la principale dépense des départements. En 2007, elle a représenté 29 % du total des quatre grandes catégories de dépenses nettes (après déduction des remboursements que peuvent recouvrer les départements sur ces dépenses). Elle devance l’aide sociale aux personnes âgées (26 %), l’aide sociale à l’enfance (25 %) et les dépenses relatives aux personnes handicapées (20 %).3

En France métropolitaine, les dépenses nettes liées au RMI (allocation et actions d'insertion), aux CI-RMA et aux contrats d’avenir sont passées de 5,435 Md€ en 2004 à 6,255 Md€ en 2008, soit une augmentation de 15 % en euros constants.

Le transfert du RMI est médiocrement compensé par la TIPP

Pour financer l'allocation de RMI, les départements perçoivent une part d'un impôt de l'Etat : la TIPP. Chaque année, l'Etat renonce à une partie de cette recette. Cependant, les conseils généraux ne maîtrisent pas la progression de cet impôt.

La TIPP se révèle une forme de compensation inadéquate : elle évolue à l'inverse de la dépense qu'elle compense et n'a aucun avenir, alors que la politique en faveur du développement durable vise à réduire la consommation d'hydrocarbures.

Son montant est certes garanti à 4,9 Md€, mais il n'est ni revalorisé par le gouvernement et ni revalorisable par les conseils généraux.

Versement d'une compensation du RMI au-delà des obligations constitutionnelles

Le décalage entre les compensations de 4,9 Md€ versées par l'Etat et les dépenses de RMI supportées par les départements s'est ainsi accru au fil des années. On parle d'un « effet de ciseau ».

Le gouvernement a accepté d'allouer des ressources supplémentaires aux conseils généraux.

Les efforts fournis par l'Etat, au-delà de ses obligations constitutionnelles, ont été :

- pour l'année 2004, un ajustement de la compensation pour couvrir 100% des dépenses des départements par un abondement de 457 M€.

- la création en 2006 d'un Fonds de Mobilisation Départementale pour l'Insertion (FMDI) : 500 M€ par an depuis 2006 (pour 2005). Le dispositif est encore reconduit en 2010. Au total, 2,5 Md€ ont été versés (ou prévus) pour compenser les dépenses de 2005 à 2009.

- la compensation du revenu minimum d'activité (RMA), alors qu'il n'y avait pas d'obligation juridique : le contrat RMA est un outil jurique mis à la disposition des départements et non une compétence obligatoire transférée. L'ajustement a été de l'ordre de 824 000 € par an.4

- l'extension du RMI en RSA par l'ajout de l'API (allocation de parent isolé) : compensation de 300 M€ en 2009 puis 600 M€ en année pleine à partir de 2010. Seule l'API, qui était jusqu'alors prise en charge par l’État, devait être compensée.

- la non récupération de compensations dont le montant avait été surestimé : 22 M€ en 2009 et environ 45 M€ en 2010.

On peut donc conclure que l'État a respecté les obligations constitutionnelles, allant même au-delà, pour accompagner la gestion départementale des dépenses relatives au RMI. Au 31 décembre 2008, il a versé près de 2,5 Md€ supplémentaires. Les lois de finances 2009 et 2010 prévoient près de 2 Md€ en plus.

Un partage implicite des dépenses d'insertion

Malgré ces compensations supplémentaires, les départements dénoncent des dépenses toujours croissantes qu'elles ne maîtrisent pas, liées à l'insertion.

En se fondant sur l'hypothèse extrêmement optimiste d'une stabilisation de la dépense de RMI en 2007, un rapport parlementaire5 estimait à près de 1,4 Md€ restant à la charge des départements au titre des exercices 2005 à 2007. A la fin 2008, sur la base des dépenses établies de la DREES, on peut estimer la différence cumulée supportée les départements, à la fin 2008, à 2,93 Md€.

 partage-depenses-RMI.jpg

L'Etat finance indirectement environ 85 % des dépenses d'insertion, puisqu'il prélève d'une de ses recettes fiscales (la TIPP) ce qu'il verse en compensation aux départements. Toutefois, il laisse aux départements plus de la moitié des dépenses d'insertion qui étaient imprévues en 2004, sans véritable concertation. Après une période de déni, le gouvernement a argué que les départements disposaient de recettes sur la fiscalité immobilière qui leur permettaient d'absorber les surcoûts.

En août 2007, des députés de l'opposition ont déposé une proposition de loi visant à assurer la stricte compensation des charges engagées par les départements au titre du versement du RMI, en supprimant la référence à l'année 2004.6 Le gouvernement a rejeté cette idée, considérant que cela consisterait à demander à l'État de régler, tous les ans, les factures que leur présenteraient les départements ; ce serait contraire à l'objectif de responsabilisation des élus locaux dans la gestion de leurs politiques. Prônant la rigueur budgétaire, le gouvernement refuse de compenser l'intégralité des dépenses supportées par les départements, pour inciter ceux-ci, faute de pouvoir les contraindre, à mieux gérer les allocations (par la récupération des indûs, par exemple) et à insérer plus efficacement les allocataires (suivi individualisé, actions d'insertion volontaristes).

L'imparfaite compensation des transferts de compétences n'explique pas les difficultés budgétaires des départements

En conclusion, l'Etat finance environ 80% des dépenses du RMI (hors actions d'insertion à l'initiative des départements). Il rembourse aux conseils généraux plus que ce qu'impose la constitution, mais il reste une part contestée, qui s'est accrue de 2004 à 2008.

Il faut noter que l'évolution des dépenses au titre du RMI varie selon les départements.

De même, l'insuffisante compensation par l'Etat du coût réel des nouvelles compétences transférées ne suffit pas à expliquer la situation budgétaire difficile que traversent actuellement certains départements. Il faut rappeler que la crise économique a aussi entraîné, en 2008 et 2009, une diminution de leurs recettes fiscales, notamment sur les transactions immobilières.

Enfin, arguant de la clause de compétence générale, les conseils généraux ont engagé des initiatives facultatives, souvent pertinentes et généreuses, utiles à la population ou favorables au développement économique du territoire, mais coûteuses et politiquement difficiles à abandonner.

Sources :

1. Carrefour local : Réponse à une question parlementaire écrite parue au JO Assemblée nationale du 11/04/2006

2. Limitation de la durée de versement de l'Allocation Spécifique de Solidarité (ASS)

3. Document de travail DREES sur les dépenses sociales en 2007 http://www.sante.gouv.fr/drees/seriestat/pdf/seriestat133.pdf

4. Document DGCL sur la compensation des transferts de compétences

5. Rapport d'information intitulé « Financement du RMI : sortir de l'impasse par une plus grande responsabilité sur les dépenses » n° 206 (2006-2007) de M. MERCIER fait au nom de l'observatoire de la décentralisation, déposé le 1er février 2007

6. Proposition de loi du groupe socialiste http://www.martine-martinel.org/photos/doc_2.pdf

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<br /> Bonjour,<br /> <br /> Vous êtes cordialement invité à visiter mon blog.<br /> <br /> Description : Mon Blog(fermaton.over-blog.com), présente le développement mathématique de la conscience humaine.<br /> <br /> La Page No-19: BUREAUCRATIE !<br /> <br /> COUPURES DES DÉPENSES ? OK ! ou KO !<br /> <br /> Cordialement<br /> <br /> Clovis Simard<br /> <br /> <br />
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